Jérusalem est-elle une ville réelle ?

Presque 800 000 habitants dont les trois-quarts sont juifs; "capitale éternelle du peuple juif" après sa réunification en 1967 ; une Vieille Ville entourée de remparts datant de l'époque ottomane ; des quartiers à l'ouest qui sont en constante mutation ; des quartiers est à majorité arabe où des propriétaires juifs s'installent. Réclamée comme capitale du future Etat palestinien et décrite comme capitale éternelle du peuple juif, et en tout cas celle de l'Etat d'Israël.

Jérusalem est une ville aux multiples définitions, aux désirs multiples, qui suscite des passions extrêmes. Des tensions naissent régulièrement autour du Mont du Temple que les autorités musulmanes surveillent jalousement contre toute tentative juive d'occupation. Ainsi, à Souccot, lors de la bénédiction des Cohanim, une foule de Palestiniens est venue jeter des pierres sur les Juifs en prière au Kotel à l'appel des autorités religieuses musulmanes qui annonçaient que le Mont était sous la menace d'une occupation juive. Prétexte aux débordements les plus variés, ce haut lieu de l'histoire religieuse est une coquotte minute.

Et durant quelques samedis, les haredim sont venus manifester au parking près de la porte de Jaffa contre  son ouverture précoce. Il semble que maintenant leur cible soit l'usine Intel près de Jérusalem qui doit continuer son activité 7 jours sur 7 pour des raisons techniques de traitement du silicone qui se trouve dans les micro-processeurs.

Jérusalem est-elle devenue une ville folle, ou l'a-t-elle toujours été ?

Le poids des religieux se fait de plus en plus sentir, et il est vrai que des familles quittent la ville pour s'installer dans d'autres lieux plus calmes du pays, des lieux où le poids du religieux se fera moins sentir. Certaines écoles publiques, dans des quartiers majoritairement religieux, se voient imposer un mode de fonctionnement en accord avec les termes de la vision "orthodoxe" de la Halakha". Tout est fermé à shabbat, et il n'est pas possible d'utiliser les transports en commun. Le quartier de Mea Shearim est cloturé pour éviter qu'une voiture ne s'y rende.

Et pourtant, cette ville connaît les mêmes problématiques que toutes les autres villes du monde : les transports, les infrastructures communes, l'eau, l'électricité, la propreté etc. Il y a des travaux visant à améliorer la circulation (comme ce fameux tramway qui n'en finit pas d'être construit entre arrêts des travaux et report de la fin des travaux), l'embellissement de la ville etc. en bref, la gestion au quotidien d'une ville de près de 800 000 habitants.

Jérusalem est par certains aspects une ville très provinciale selon des critères français. On passe facilement d'un quartier à un autre en changeant totalement de visage, de population. Certains quartiers se "gentrifient", comme Baka ou encore l'hyper-centre ; d'autres restent populaires, comme Katamon. Passer de l'ouest à l'est de la ville fait aussi passer d'une ville occidentale à une ville proche-orientale. Les différences ethniques et sociales sont très visibles. Jérusalem est une ville qui est constituée de nombreux sous-groupes, et entre eux, peu de relations. Il y a des cloisonnements très forts entre des gens très divers qui passent les uns à côté des autres sans vraiment se rencontrer.

Il y a bien la ville phantasmée, celle qui est enserrée dans les remparts, celle qui est chargée du poids de siècles d'Histoire religieuse conflictuelle, celle aussi que l'on se dispute. Cette ville-là vit dans les médias étrangers et dans l'imaginaire. Dans la réalité, elle ne recouvre que quelques centaines de mètres carré. La ville réelle, celle où vivent tous ses habitants est tout autour. Au quotidien, les gens vivent, travaillent, élèvent leurs enfants. C'est cette ville-là que je découvre. L'autre, je la connaissais avant, et je la rencontre parfois au détour d'une page de journal ou en me promenant à l'intérieur des remparts. Mais ce n'est pas la ville que je vis au quotidien.