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Le blog de René - Elie
25 février 2010

Parlons un peu politique...

Tout le monde s'en doute, la politique est LE sujet brûlant par excellence en Israël. C'est un sujet complexe, voire même inextricable. Certains disent d'ailleurs que les solutions sont simples pourvu qu'on veuille bien les appliquer. Voici quelques expériences que j'ai eues à ce sujet.

Je suis allé rencontrer une famille qui vit dans les Territoires. Il s'agit d'un petit établissement en Samarie, Neve Tzuf/Halamish, peuplé d'environ 260 familles. Ce sont des familles religieuses qui appartiennent au mouvement sioniste religieux dont la grande figure est le Rav Abraham Kook  (http://fr.wikipedia.org/wiki/Abraham_Isaac_Kook). Les différentes personnes que j'ai pu voir avaient une sereine certitude d'être dans le bon chemin. Etre dans les Territoires signifie pour eux accomplir le destin du peuple juif qui est de revenir sur la totalité des la terre des ancêtres, y compris les Territoires. Cela est perçu comme un idéal. Revenir vivre dans ce qu'ils appelent la Judée-Samarie fait partie de l'attente messianique. Je n'ai pas entendu de paroles offensantes à l'égard des Arabes. A leurs yeux, il n'y a aucun problème à ce qu'ils vivent aussi dans les Territoires. Simplement, les Juifs doivent pouvoir s'y installer librement. Je sais toutefois qu'il existe dans le mouvement sioniste religieux des gens qui tiennent des propos bien plus durs. Mais pas ceux que j'ai rencontrés.

Une autre expérience m'a conduit à Jérusalem Est avec l'association "Ir Amim", Jérusalem, la "ville des peuples", qui est une association militant pour une coexistence pacifique et égale des Juifs et des Arabes(http://www.ir-amim.org.il/eng/). Nous avons circulé en bus dans l'Est de la ville. Il y a désormais une complète imbrication des établissements juifs au milieu des villages arabes, rendant impossible toute continuité ethnique. Dans l'hypothèse où Jérusalem Est devient la capitale de l'Etat palestinien, il faudra compter avec environ 200,000 Juifs vivant au-delà de la ligne verte de 1967. Il est intéressant de noter que sur les cartes israéliennes, cette ligne n'apparaît pas. Par contre, les différents secteurs A, B et C sous autorité palestinienne, chaque zone selon son propre satut, sont bien notés sur les cartes.

Nous avons aussi évoqué la barrière de sécurité qui retranche la Cisjordanie du reste d'Israël et qui crée des situations de rupture parfois dramatiques. Même s'il ne s'agit d'un mur que sur environ 5 % de son tracé, les points de passage sont peu nombreux et les contrôles poussés. J'ai rencontré une jeune femme qui a servi durant son service militaire sur un de ces points de passage. Elle avait pour mission de fouiller les femmes. Elle était convaincue de l'utilité de ces contrôles en même temps qu'elle exprimait son malaise.

J'ai aussi rencontré des Arabes israéliens. J'ai eu le sentiment qu'une partie des jeunes générations, qui se définissent comme des "Arabes de 1948" aspirent à vivre tranquillement en Israël. Ils reconnaissent une certaine qualité de vie fournie par l'Etat. Les plus anciens sont plus critiques; ils dénoncent les différences de traitement entre Juifs et Arabes, se sentent victimes de discriminations. Un vieil homme à Sephoris, en Galilée, nous a longuement parlé du village évacué en 1949, avec interdiction d'y revenir. On sentait très nettement la blessure du déracinement. Il s'affirme comme anti-sioniste, mais pas comme anti-israélien. J'avoue que j'ai un peu de mal à saisir la nuance.

Alors, que tirer de tout cela ?

Tout d'abord, un sentiment d'extrême complexité de la situation. Les données du problème sont multiples, et parfois, tout mettre ensemble pour avoir une vue générale conduit à un sentiment d'impuissance. Les clivages au sein des deux sociétés sont très marqués, souvent contradictoires. J'ai entendu des gens qui en même temps disaient que la situation était insoluble pour l'instant et qu'il fallait vivre au jour le jour, se réjouir du bien que l'on peut avoir.

Ensuite, en Europe, on n'a qu'une vision tronquée de la situation. Ce n'est pas un secret que les médias sont très largement anti-israéliens, ou pour le moins fortement partiels. Je ne peux témoigner que de ce que j'ai vu. J'ai visité une base de Tsahal, écouté les dilemnes moraux que ces soldats dans le début de leur vingtaine se posent. Et ils sont loin d'être les monstres qu'on nous présente parfois !  Ce sont des jeunes qui passent trois années de leur vie à servir Israël. Ils ont une grande liberté de parole, tutoient leurs chefs (il n'y a pas de vouvoiement en hébreu), et les appellent par leur prénom, sans les titres. Certains d'entre eux sont très critiques à l'égard de la politique du gouvernement ou d'une manière plus générale de l'occupation.

Il faut se souvenir qu'Israël est un tout petit pays, à peine grand comme la Normandie. Que les territoires sont imbriqués les uns dans les autres, et je suis parfois surpris qu'il n'y ait pas plus de dérapage. Il faut voir les débats qu'il y a ici en ce qui concerne la libération de Gilad Shalit. Doit-on accepter de libérer des centaines de Palestiniens, dont certains ont commis des attentats, pour libérer un seul homme ? Cela ne serait-il pas un encouragement à kidnapper d'autres soldats ? Mais en même temps, une vie est sacrée, et ne rien faire pour le libérer est contraire à toutes les valeurs du Judaïsme. C'est ce genre de dilemne qui rend fou. Et c'est aussi ce que les dirigeants du Hamas ont compris.

Comme le disait après la guerre des Six-Jours le Grand Rabbin de Strasbourg, Max Warshafsky, l'occupation corrompt. Mais j'ai parfois l'impression qu'Israël n'a pas toujours le choix de sa politique. J'habite à moins de 2 kilomètres de la ligne verte, et parfois je me mets à imaginer un Etat palestinien à côté de mes fenêtres, et je me demande quelle sera sa nature. Et si, comme à Gaza, les Palestiniens élisaient un gouvernement Hamas ? Les principales agglomérations d'Israël seraient à portée de fusil d'un tel Etat. C'est la principale crainte des gens que j'ai rencontrés ici. En dehors des gens habitant dans les Territoires, je n'ai entendu personne déniant aux Palestiniens le droit d'avoir leur destin en main. Mais de quelle paix s'agit-il ? Pour moi, ce qui s'est passé à Gaza en 2004 après le retrait d'Israël a porté un sérieux coup à mon optimiste d'Européen vivant en sécurité dans un pays relativement calme.

Je comprends le désir des Palestiniens de voir mettre fin à l'occupation de ce qu'ils considèrent comme leur pays. Certains d'entre eux m'ont dit qu'Israël ne respectait pas les résolutions de l'ONU. Je ne peux pas m'empêcher de penser que si la résolution 181 de l'ONU en 1947 avait été respectée, on n'en serait pas là aujourd'hui.

Je partage aussi les craintes des Israéliens de voir s'installer à leurs portes un Etat palestinien dont rien ne garantit pour l'instant la nature exacte.

Alors oui, la politique ici est un sujet très sensible. Et il l'est d'autant plus que chaque solution possible entraîne son lot de difficultés quasi insolubles. Vue d'Europe, les choses paraissent très simples. Mais vécues ici, elles apparaissent bien plus compliquées. Quoi qu'il en soit, tant que les médias occidentaux présenteront la situation de manière partielle, il sera difficile d'appréhender réellement la complexité de la réalité. Parfois je m'étonne de voir que les Arabes qui font tant peur en Europe à certains, qui apparaissent comme un danger pour l'identité de nos différents pays, sont perçus dans la région comme des victimes qu'il faut impérativement protéger du monstre israélien.

Dans cette zone de faille que représente le Proche-Orient, les schémas occidentaux perdent de leur pertinence. Le conflit qui dure ici depuis longtemps, à vrai dire depuis des siècles, sous des variantes différentes, est la preuve absolue que la simplification ne conduit qu'à l'impasse.

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